24.6.2003
Eurostat, OLAF, Eurodiff … et les autres
Une vaste entreprise de pillage des fonds communautaires ?
Les faits révélés le 16 mai en première page par le Financial Times, le jour même de la célébration du cinquantenaire d’Eurostat, n’ont pas été contestés par la Commission, mais on peut s'étonner de la sévérité avec laquelle l'OLAF qualifie l'affaire des 900.000 euros des data-shops, détournés dans le compte fantôme luxembourgeois "Eurodiff".
En effet le montant cité peut-il justifier l'emploi des termes tels que « une vaste entreprise de pillage des fonds communautaires » ?
Certes, pour un chiffre similaire, plus d'un malfaiteur commun s'en serait contenté et se serait vite tiré dans un paradis fiscal loin des conventions d'extradition. Par contre, pour le budget communautaire, cette somme n'est qu'une goutte d'eau.
Or, dans ce "pot à confiture", nos dirigeants, "réformateurs pro-actifs" très appréciés par M. Neil Kinnock, n’auraient même pas trempé le bout du petit doigt. Au pire, ils se seraient comportés comme deux gamins qui n'auraient pas rendu à leur maman l'argent des commissions. Pour lui faire par après un cadeau ?! Et ils n’en auraient pas tiré de profit personnel direct, ce que nous avons bonne grâce à leur accorder pour l’instant. Pourtant, les termes de l'OLAF continuent d'inquiéter par leur sévérité, que le seul cas Eurodiff n’explique pas.
En effet, un simple détournement de fonds "sans mauvaises intentions" ou un abus de confiance "désintéressé" ne constituent pas, au sens commun, « une vaste entreprise de pillage des fonds communautaires ».
Pour les fonctionnaires de l'OLAF, juristes et magistrats, peu enclins au scandale et habitués à ne s'exprimer que par euphémismes codés, cela ressemble presque à des gros mots.
Les satellites de droit privé d'Eurostat
Nous sommes donc logiquement forcés à pousser le regard plus loin que "Commission en direct" ou "Eurostat-infos", à la découverte de la nébuleuse tournoyante de ces satellites d'Eurostat, qui cumulent les incroyables succès aux appels d’offres.
Tout au plus une "petite ponction", qui ne peut guère justifier le jus de la verve de l'OLAF.
On se rapproche du pillage façon Bagdad 2003.
10 ans de succès cumulés aux « appels d’offres ». Ceci n'est peut-être pas un délit. Mais il faudrait se demander : qui y assure gratuitement les cours ?
Une "Association Lucrative Sans But" présidée par un directeur pensionné, subsidiée pour fournir des données, en partie inutiles, dont la propriété bénéficiait à l'asbl et échappait à la Commission !
Pour le tiers du prix payé à Eurocost une firme américaine fait actuellement le même travail, et avec un bon profit.
Le service d'audit interne d'Eurostat n'avait, parait-il, rien trouvé d'anormal ! Mais, la Commission réclamerait 1.000.000 € aux responsables, selon le "Stern" qui n'a pas été contredit sur ce point *.
Une direction à risques ?
Peu de temps avant son départ en pension, le directeur Alain Chantraine, terminait son message d'adieu dans "Eurostat-Infos" en écrivant qu'Eurostat était considérée comme « une direction à risques ».
Il y a déjà plus d’un an, en mai 2002, notre syndicat "A&D" avait évoqué dans un tract intitulé "TOTAL CORRUPTION MANAGEMENT" la présence possible d'un réseau de corruption devant un faisceau d'indices convergents impliquant, selon la presse indépendante, une poignée de dirigeants d'Eurostat. Tract dont la direction d'Eurostat tenta en vain de contester le contenu.
Aujourd'hui on apprend, par la presse encore, que d’autres comptes fantômes Planistat-Eurodiff (CGER-Belgique, BBVA-Espagne) auraient été découverts pour un montant de 8 Mio € et que l'OLAF ne mènerait "que" six enquêtes sur Eurostat.
Or, l’OLAF n'a déposé que deux plaintes à Luxembourg contre les responsables d'Eurogramme et d'Eurocost, vers juillet 2002, et une seule autre plainte à Paris dans l'affaire Datashop-Planistat-Eurodif, seulement en mars 2003.
Où en sont donc les trois autres ?
Il faut toutefois rester réaliste : le parquet de Luxembourg ne dispose pas d'assez de personnel pour traiter les affaires de criminalité financière internationale, comme l'a reconnu le Procureur général dans son rapport de l'an dernier. A preuve : les affaires Perry-LUX, dont on craint les révélations, et Onidi qui sont toujours au point mort depuis 4 ans.
Il est certain que le gouvernement ne va pas se mettre à jouer les épouvantails pour chasser les vautours du monde financier.
Tolérance zéro à la fraude ?
Faut-il croire la Commission Prodi qui s'était déclarée publiquement pour la tolérance zéro en 1999, alors qu’elle a repris l'ancienne habitude de protéger les fautes de sa nomenklatura contre les enquêtes de l'OLAF de M. Bruener ?
Mais c'est contre les fonctionnaires qui ont contribué à éclairer ces affaires que la stratégie de tolérance zéro est systématiquement appliquée : pour eux les sanctions sont immédiates et les torts causés ne sont pas réparés. Le traitement de la Vice-présidente de A&D - Belgique, Marta Andreasen, est ahurissant si on le compare à celui des dirigeants d'Eurostat. Marta est interdite d'accès aux bâtiments de la Commission.
Pour sauvegarder, comme elle le prétend, les intérêts des institutions, la Commission aurait dû agir bien plus tôt. C'est à dire en 1997 quand le commissaire Liikkanen, alors en charge du personnel, a été mis au courant de certains agissements des dirigeants d'Eurostat par le secrétaire politique de l’US. Ce qui a valu à notre audacieux collègue d'être exclu de ce syndicat contrôlé par des membres de la hiérarchie d'Eurostat.
Le commissaire Liikkanen a manqué de courage et a préféré fermer les yeux. Il porte ainsi une lourde part de responsabilité dans les événements actuels.
Les intérêts et l'image de la Commission sont déjà irrémédiablement compromis. On ne récupérera pas un euro des millions perdus et il sera dur de redresser l'image catastrophique créée dans l'opinion publique.
Pour le rétablissement de la crédibilité d'Eurostat, et pour rompre avec le passé il convient que les directeurs et chefs d'unité compromis par leur passivité complice, fassent l'objet d'un déplacement.
M. Y.Franchet était supposé partir en pension en avril. Comment peut-il jouer les prolongations à plein tarif ? Pourquoi les Commissions successives ne lui ont jamais imposé une rotation de poste ?
Ce poste fut publié en janvier pour être occupé en avril. La description de poste spécifiait une personne qui exerce l'indépendance nécessaire et respecte l'intégrité. C'était nécessaire de le souligner
Marta Andreasen avait à plusieurs reprises demandé un audit de la trésorerie, qui est une fonction clé de la Commission et qui aurait pu apporter beaucoup de révélations, y compris sur les comptes fantômes.
Il y a quelques jours, Fabra Vallés, de la Cour des Comptes, fut interrogé au Parlement européen pour expliquer comment il pouvait confirmer le rapport sur la trésorerie sans avoir détecté les comptes fantômes. Il fut si mal à l'aise qu'il révéla en bredouillant qu'il n'avait jamais signé la validation des comptes de la trésorerie !
Devons-nous exiger un audit, indépendant et transparent, sous le contrôle du Parlement européen ?
Il reste encore beaucoup à faire, aidez-nous.
Notre syndicat "A&D" exige que la presse prenne la peine de faire une distinction nette entre le travail scientifique, technique et sérieux de l'écrasante majorité des fonctionnaires d'Eurostat et le comportement à risques d'une partie minoritaire de l'ancienne équipe dirigeante.
Le Comité exécutif de A&D