Une rencontre




Le sous-sol était complètement sombre. En haut, les elfes noirs frappaient furieusement contre la trappe. Visiblement, ils étaient tout aussi surpris que lui qu’elle se fut soudain fermée.
Il resta quelques instants immobile, dans l’espoir d’être attaqué par un démon, un ghoule ou un vieux prisonnier transformé en zombi - une de ces choses que l’on peut espérer trouver dans le sous-sol sombre d’un magicien.
Il fut déçu. Rien n’arriva.
Puis il entendit une voix, tout près de lui : “ Tu es un rusé, hein ? ”.
Suivit une pause dramatique. Mais elle rata son effet : trop heureux de voir qu’il n’était pas seul dans cette pièce ennuyante, le kender l’interrompit.
-Bonjour ! ! Où êtes-vous ! ? Je ne vois absolument rien, c’est sûrement...
-Pssst ! fit la voix, un peu contrariée.
Une bougie s’alluma, et fit apparaître un vieil homme en robes noirs, assis derrière une simple table de bois.
-Viens, reprit la voix, viens t’asseoir...
Devant cette invitation formelle, le kender n’hésita pas. Il approcha, contourna la table, et vint se placer directement devant le sorcier.
Celui-ci, d’abord calme et moqueur, avait suivit ce mouvement avec une inquiétude grandissante, et avait écaillé les yeux avec terreur lorsque le kender était entré dans le cercle de lumière de la bougie. Quand le kender tendit sa main pour serrer celle du sorcier, celui-ci eut geste de recule terrifié.
-Tu es un kender ! J’ai du malheur ! Tu ne vaut rien. J’attend un aigle et je reçois...
Le kender se pencha pour entendre la fin de la phrase, que le sorcier prononçait d’une vois mourante... “ Une pie... ”
-NE T’APPROCHE PAS ! ! Je t’ai dit de t’assoir ! Là, en face de moi, de l’autre côté de la table.
Il s’essuya la sueur du front lorsque le kender obéit, et retrouva son calme et son sourire sardonique.
-Et pourtant... Ces yeux brillent de curiosité et de vie. Peut-être que j’ai jugé trop vite. Nous verrons. Comment t’appelles-tu ?
Le kender respira : se taire pendant si longtemps lui avait demandé un effort considérable.
-Je suis Raistlin Majere, expliqua-t-il. Est-ce que tu es un sorcier ? Tu es vraiment particulièrement laid. J’ai rencontré peu de personnes aussi laides que toi pendant mes voyages... peut-être le gobelin qui...
-Ah, penses-tu donc être tellement plus agréable à regarder?
D’ailleurs, ajouta-t-il avec fierté, je n’ai plus de corps. Ce que tu vois n’est en fait qu’une illusion pour que ton ridicule esprit puisse plus facilement communiquer avec moi...
Par les Abysses , pensa la vieux sorcier. La longue solitude ne m’a pas fait de bien... je donne des explications à un kender...
-Vraiment ? Raistlin écailla les yeux. Comme c’est intéressant. Je ne savais pas qu’on peut vivre sans corps... Si j’avais été à ta place j’aurais choisi une apparence moins dégoûtante et plus...
-Et oui, je suis un sorcier, reprit noblement le sorcier. Le plus grand de tous. Ils me craignent... mais il ne me craignent pas assez...
Il plissa les yeux en fixant intensément le kender.
-Je savait que Par-Salian était désespéré, mais à ce point...
Raistlin n’avait pas tout à fait compris cette remarque, mais il saisit vaguement qu'elle contenait une insulte à son égard. Il décida donc de contredire.
-Oh, Par-Salian n’est pas désespéré du tout. Il va même très bien. Il perd un peu la mémoire c’est tout... et il devient sénile... il parle sans cesse de se retirer du conclave... je le comprends, ca ne doit pas être amusant de passer sa vie dans une vieille tour. J’aurais pensé que la tour de Wayreth est plus intéressante. Une de mes cousines qui y a été, a raconté qu’elle y avait rencontré un arbre parlant qui ressemblait point par point à mon oncle Épinglette Pieds-Poilus. Vous pensez que je pourrais le voir ?
-N...non... fit le sorcier, qui n’avait pas suivit, et qui n’appréciait pas que la conversation lui échappât.
-Je suis sur que si, répliqua le kender, catégorique. Il n’y a pas de raison pour qu’il se montre à ma cousine et pas à moi. Et j’aurais cru que l’épreuve serait plus intéressante que ça, jusque maintenant je n’ai dût rencontrer que deux dragons, un petit groupe de d’Ogres, trois elfes noirs, un démon des abysses et un papillon-vampire qui était très joli, je l’ai d’ailleurs gardé dans une sacoche attends que je...
-A... attends... de quoi parles-tu ? Quel épreuve ?
-Mais l’Épreuve . Celle qu’il faut passer pour devenir membre d’un ordre... je pensait que tous les mages savent ce que c’est ? Tu es sur que tu en es un ? La mienne était plutôt amusante finalement, j’aimerais faire ça plus souvent, si tu veux je te raconte...
-Tu... tu veux dire qu’ils t’ont laisser passer l’épreuve ? Toi ?
-Oui, puisque je suis entrain de la passer, fit Raistlin, un peu piqué. Il m’ont même spécialement invité. Tu veux voir la lettre ?
-Donne, ordonna le sorcier.
-J’ai dit regarder rappela le kender... attend... elle doit être là... Voilà !
Le sorcier saisit avidement la feuille, et la relacha aussitôt avec un crie de douleur. Ses doigts étaient rouges.
-Oups... j’ai dut confondre... je croyais que je n’avais plus cette formule de la vie éternelle, dont l’écriture s’efface dès qu’on essaye de la lire. C’est une des protections. Si tout le monde était immortel... hm, je ne vois pas vraiment le problème. Merci de l’avoir retrouvé pour moi ! ! Ah, voilà l’invitation.
Il tendit une feuille de parchemin au sorcier, qui la pris du bout des doigts, et la parcourut rapidement.
-Cette lettre ne t’es pas adressée.
-Vraiment ?
Il se mit debout sur sa chaise et se pencha vers le sorcier par dessus la table.
-Ce n’est pas possible. C’est moi qui l’ai reçu, ajouta-t-il avec innocence.
-Pah ! dit le sorcier, en reculant sa chaise.
Raistlin haussa les épaules. Ce vieux sorcier commençait à l’ennuyer. Il décida d’aller voir où en étaient les elfes noirs qu’il avait suivis et qui étaient bloqués de l’autre côté de la trappe.
-Bien, c’était sympas de vous parler, mais je dois continuer mon épreuve. Sans vouloir vous offencer, vous en êtes la partie le plus ennuyante, la moins surprenante et la moins dangereuse...
-Ah ? La moins dangereuse ? Tu crois que je ne suis pas dangereux ? ?
Sourire effrayant.
-Eh bien, vous n’avez vraiment pratiquement rien de bien spéciale. Et puis vous n’existez pas vraiment, vous n’êtes qu’une illusion crée par le conclave, à ce que j’ai compris. Ça vous dérangerais pas de me rendre mon message ?
-Je suis Fistandantilus !
-Fils de Ventilus ? Comme c’est interessant ! J’avais un oncle qui s’appellait Ventilus Nez-Raisin.
-FIS-TAN-DAN-TI-LUS ! ! Je suis le plus grand sorcier qui a jamais vécu sur Krynn ! Tu vas regretter de m’avoir volé mon précieux temps !
-Je ne vole pas votre temps ! C’est vous qui m’avez invité à m’asseoir ! Si vous pouviez me rendre ma lettre... J’aimerais bien la montrer à mes amis, et peut-être que je pourrais l’échanger contre quelque chose d’intéressant. D’ailleurs j’ai dessiné une carte de l’autre côté...
-Ha ! Ta lettre ?
Le parchemin partit en flammes dans la main du sorcier.
-Hé ! protesta le kender, mais il s’interrompit. Vous allez faire quelque chose d’intéressant finalement ?
Fistandantilus sourit. Il regretta d’être un instant sorti de son rôle, mais cette question si bien à propos lui fit retrouver son calme.
-Bien sur... de très intéressant. Tu ne regretteras pas. Vois-tu, je t’ai dit que je suis mort, mais grâce à une autre vie - la tienne - que je vais...
Il s’interrompit. Son regard exprimait la stupeur la plus complète : il avait porté la main à son coup, où il portait la pierre grâce à laquelle il pourra s’approprier la force vitale du kender.

La pierre avait disparut.

Le sorcier resta un moment sans réaction, avant de hurler :
-Rend-la moi, sale vermine ! ! !
-Te rendre quoi ? fit Raistlin, très surpris.
-La pierre... petit voleur... qu’est-ce que tu en as fait ?
-Vous cherchez une pierre ? J’en ai beaucoup, peut-être qu’une d’elle vous plairait mais je ne vois pas ce que... Aou !
Fistandantilus l’avais saisit. Pour n’être qu’une illusion, ses doigts étaient assez douloureux sur le coup du kender.
-Où est cette pierre ?
-Mh... dans mes sacoches j’ai toutes une série de pierres, vous pouvez regarder si peut-être... non... pas celle-là...
Fistandantilus avait détaché une des sacoches de la ceinture du kender, et sans écouter ses protestations, s’apprêta à l’ouvrir.
Enfin, il avait ouvert le triple nœud qui refermait la sacoche : un petit papillon violet s’en échappa, voltigea gracieusement vers le sorcier, et lui planta ses crocs dans le coup.
Fistandantilus poussa un cri de douleur : à aucun prix il ne devait laisser s’arracher le peu de vie qu’il possédait encore. Son corps s’évapora, il disparut aux yeux de Raistlin.
Le kender attendit un moment si le mage allait revenir, puis, après un regard chargé de regret vers sa sacoche à présent vide, il monta en sifflotant vers la trappe devant laquelle attendaient les trois elfes noirs.
Une ombre se glissa entre lui et la sortie (qui de toute façon n’était pas ouverte).
-Pas si vite.
Raistlin s’arrêta, contrarié. Il avait déjà passé beaucoup trop de temps dans cette vieille cave.
Il s’ennuyait.
-Tu vas me rendre cette pierre... tout ce suite.
La voix du sorcier retentit tout près de son oreille. Raistlin ne s’en soucia pas. Doucement, il ouvrit la trappe.

Les elfes noirs n’avaient attendu que cela. Sans hésiter ils s’élancèrent dans la pièce.
Le premier passa directement à travers l’ombre, seule forme que le mage osait prendre en présence du papillon-vampire. L’elfe fut secoué de froid, tendis que Fistandantilus poussa un juron en maugréant sur l’impolitesse de la nouvelle génération.
Entre temps, les deux elfes avaient réussi à cerner le kender dans un coin de la pièce.
-Pourquoi devais-tu nous suivre ?
-Où sont nos composants magiques ?
-Vous avez perdu quelque chose ? Quel heureux hasard que vous m’ayez trouvé ! Je suis très doué pour trouver des choses...
-Surtout si c’est toi qui viens de les prendre dans la poche des autres... allons.
-Hééééééééééééééééé ! ! ! ! ! ! ! ! !
Le kender, très calme jusque là, devint furieux lorsque les elfes tentèrent de lui enlever ses sacoches. Il mordit violemment la main du premier elfe noir, et donna un coup de pied à l’autre.
-Je vais te.... commença le premier, mais l’autre l’interrompit, d’une voix velouté :
-Nous voulons simplement voir les choses que tu as dans tes sacoches, kender. Surtout ce qui est magique...
-Vraiment ? demanda Raistlin oubliant l'épisode désagréable qui venait d'avoir lieu. Je m’appelle Raistlin Majere ! Et vous ?
Il voulut serrer la main à son nouvel ami.
-Ne me touche pas ! !
-C’est bon... il est un peu nerveux votre ami ? Evidement, j’ai plein de choses magiques ! ! Je n’ai presque que ça ! Là par exemple...
Il sortit un bout de chiffon.
-... ceci est une partie du manteau du grand mage Malhounatitz, qui avait le don fabuleux de se transformer en dragon, et dont la robe, qu’il a offert à mon oncle épinglette après que celui-ci l’ai sauvé des mains d’un groupe de nymphes qui...
L’elfe qui avait été mordu lança à l’autre un regard noir.
-Quelle excellente idée tu as eu, souffla-t-il.
-... et la, un livre magique, il suffit d’écrire quelque chose dedant et la chose apparaît, c’est avec un livre pareil que les dieux créèrent Krynn, pour cette raison un dieu nommé Gilean est le gardien d’un livre, mais il l’a perdu apparement, je me demande comment il est arrivé dans mes sacoches, il faudra que je partes à la recherches des dieux, ...
-Je ne pouvais pas savoir, chuchota l’autre, en lançant un regard sombre au kender, que celui-ci, trop occupé à regarder ses sacoches, ne remarqua pas.
-... et alors oncle épinglette prit un des cinq saphirs magiques et dit...
-Je propose qu’on le tue et qu’on le fouille après.
-Fouiller un kender ?
-Tu préfères l’entendre parler peut-être... ?
-... mais là c’est quelque chose de vraiment magnifique ! J’ai l'ai trouvé sur un marcher. Je peux faire apparaître une flamme et le marchand m’a expliqué que si je le fait deux fois, deux dragons à trois têtes apparaissent, une fois un seule dragon à deux têtes, et trois fois... je suis pas sur si j’ai bien compris...
Il fit marcher le mécanisme du petit appareil gnomique une quinzaine de fois à la suite, et un gigantesque dragon à six têtes apparut dans la pièce.
Fistandantilus, qui venait juste de se débarasser des deux petits vampires (l’elfe noir avait été mordu), et qui avait repris la forme d’un vieux sorcier, poussa un cri de terreur et de dépit :
-Takhisis... est venue se venger... Mais sachez, ma reine, que même si mes forces ne sont pas à leur apogée, je ne ...
Une des six têtes cracha du feu, et le plus puissant sorcier de Krynn pris involontairement l’apparence d’un tas de cendre.
-Oups, dit judicieusement Raistlin.
De la lumière apparut en haut des escaliers, et Lemuel, le propriétaire de la maison entra avec un air endormis.







Au même moment, dans une autre partie de la tour de Wayreth.

La pièce était faiblement éclairée par quelques lumières magiques et une bougie placée sur un vieux bureau de bois de chêne.
Mis à part les violents tremblements qui la secouaient de temps en temps, elle était calme.
Au centre de la piece se trouvait un socle de pierre, empli d’eau, sur lequel se penchait un mage en robe blanche, immobile, un petit sourire aux coins des lèvres.
La porte s’ouvrit, et Justarius, chef de l’ordre des robes rouges, entra.
-Par-Salian ?
-Qu’i a-t-il, cher ami ? demanda le chef du conclave, sans lever les yeux.
-Ce kender qui s’est introduit dans la tour... Je crois qu’il faudra...
Il s’interrompit pour invoquer un bouclier de protection au dessus de lui : quelques pierres se détachèrent du plafond dans un immensce fracas. Par-Salian ne bougea pas : les débris disparaissent avant de l’atteindre.
Lorsque le pire fut passé, Justarius resta encore un instant en position de défence, avant de se redresser et reprendre:
-... qu’il faudra l’arrêter. Je sais que tu as voulu qu’on laisse aller les choses, mais je craint que Ladonna ne me croira plus très longtemps que tout ceci est dut aux premiers pas en magie de ma fille.
-Il a rencontré Fistandantilus, dit Par-Salian, sans répondre.
"Alors, qui es desesperé ici, mon ami Fist ?"
-Tu es sur ?
-Vois toi-même.
Il fit un geste vers l’eau. Justarius s’approcha du socle, mais à ce moment ils furent à nouveau interrompus par un tremblement, suivit d’une série d’éclairs. Par-Salian passa une main sur l’eau qui redevint calme. Par la fenêtre, on vit passer un groupe de lapins ailés.

-Tu es sur que nous ne devons pas intervenir ? Je ne sait pas si la tour tiendra le coup.
Par-Salian leva un regard inquiet vers son plafond, puis haussa les épaules.
-Non, mon vieil ami. Je suis sur que tout ira bien. Nous ne devons pas déranger l’Épreuve d’un adepte si... prometteur...
Toujours souriant, il se pencha de nouveau sur l'eau, et reporta toute son attention sur l’Épreuve de Raistlin Majere.


Inspiré de "Une Ame Bien Trempée", M. Weis et T. Hickman)



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